Il était environ neuf heures du matin à Ephèse. Comme tous les jours, Abercius s'était levé aux aurores afin de s'astreindre à un entrainement strict. Avant cela, il avait en compagnie de ses serviteurs fait une prière et une offrande en fruits dédiées à Artémis. Il quitta la petite chapelle pour se préparer à débuter son entrainement.

Il se trouvait donc dans la partie de droite de son temple et l'entrainement avait commencé depuis une heure. Abercius respectait toujours le même schéma. Il débutait par une séance de méditation puis enchaînait sur des exercices purement physiques. Après cela, il mimait des phases de combat avant de terminer par des sessions de maîtrise de cosmos. De l'extérieur de la salle, on pouvait entendre des bruits de déflagrations et on pouvait voir le temple se teinter de l'aura du cosmos du fils de diplomate.

Après deux heures complètes d'intenses efforts, l'ange mit fin à sa séance. Demain, il en débutera une nouvelle. Il quitta la salle d'entrainement pour rejoindre la partie gauche de son temple. Il se dirigea vers la salle d'eau pour aller prendre une bonne douche. Il prit ensuite un bon petit déjeuner préparé par son cuisinier. Il dégusta les mets avec élégance et appétit. Alors qu'il n'était pas encore habillé, il ne portait  qu'une serviette blanche autour de la taille et une posée sur son cou, l'intendant de son temple demanda audience.

Abrecius autorisa à celui qui s'occupait de son temple de venir à sa rencontre. Errikos, c'était son nom, s'inclina légèrement en signe de respect. Abercius lui sourit et lui fit signe de s'avancer. Pour Abercius, Errikos était devenu un peu plus qu'un simple servant. Les deux hommes s'étaient apprivoisés et l'ange avait une totale confiance en lui. Il se confiait par exemple parfois à lui.

De son côté, Errikos, était un homme âgé d'environ une quarantaine d'année. Lui aussi était un grec et il était issu d'une famille ayant toujours servi la déesse Artémis. Ce père de deux enfants et mari avait donc tout naturellement répondu à l'appel de sa déesse. Les anges n'étaient donc pas les seuls à avoir été "réveillé" par Artémis. Avec le temps, l'intendant avait appris à connaître son supérieur et il l'appréciait de plus en plus. Il n'hésitait pas à le conseiller et à lui parler franchement sans bien sûr à franchir la ligne séparant l'élu de son serviteur.

"Maître Abercius, pardon de vous déranger pendant votre moment de restauration mais il s'agit là d'un cas d'urgence. Un serviteur de dame Artémis vient d'arriver. Elle vous réclame immédiatement."

Sans plus attendre, Persée mit un pantalon de lin blanc puis se rendit dans la salle centrale. Il aperçut effectivement un serviteur qui l'attendait. Abercius toucha alors son pendentif et aussitôt sa glory vint le recouvrir dans un éclat doré. Errikos et le serviteur messager en étaient époustouflés. L'ange et son serviteur attitré s'échangèrent un sourire puis Abercius suivi le collègue d'Errikos.

Cela faisait à peu près un mois que le jeune homme n'avait pas revu Artémis et encore moins Azura. Même si leur présence directe lui manquait un peu, il comprenait parfaitement qu'une déesse avait d'autres occupations et des problèmes divins à régler. C'était certainement pour cela qu'elle lui avait demandé de venir. Sans doute, le jeune grec allait devoir accomplir sa première mission.

A l'entrée du temple, le serviteur s'arrêta, s'inclina puis s'écarta afin de laisser passer Abercius. Ce dernier le remercia. Il ôta son casque et pénétra le temple. Il avançait maintenant sur un sol composé de grandes dalles et recouvert d'un long tapis rouge qui menait jusqu'aux escaliers qui eux-mêmes conduisaient au trône de la déesse.

Assise, Artémis l'attendait. Abercius avançait et à mesure qu'il s'approchait d'elle, il baissa le regard. Arrivé au bas des escaliers, il posa un genou au sol pour s'incliner. L'instant était solennel.

"Me voici, Abercius de Persée. Ô ma déesse, je suis prêt à recevoir vos ordres."

Cela faisait un moment maintenant qu'Azura ne s'était plus manifesté. Depuis qu'Artémis était allée rendre visite à Arès à vrai dire. La jeune femme, même sans avoir pleinement conscience de ce qui avait été dit ou échangé, avait ressenti la peur d'Artémis au plus profond d'elle-même, et pour que cette divinité ait peur... l'entretien avait du être terrifiant.

Depuis, elle n'avait plus voulu se manifester, ou très rarement, lorsqu'elle n'était pas seule du moins. Mais aujourd'hui, même si la déesse avait appelé Abercius, elle ne comptait pas se montrer.
Aussi, lorsque l'ange entra, elle était debout près d'une table sur laquelle était posée une carte immense représentant l'Europe. Le Sanctuaire était en relief avec la statue d'Athéna, mais un bouclier rouge le surplombait et Artémis avait les yeux rivés dessus.

Au Nord, il y avait comme une sorte de brume sombre, mais la déesse, bien que sachant qu'une réelle menace était présente, n'en savait que trop peu pour y mettre un nom. Cette menace avait commencé à œuvrer en Asgard, contre le temple de Freyja, mais ça pour le moment, elle n'y pouvait rien. Si Odin souhaitait son aide, il devrait faire le déplacement lui-même.
Elle fixait donc essentiellement ce bouclier rouge autour du Sanctuaire, jusqu'à ce qu'Abercius prenne la parole. Elle se tourna vers lui, plantant ses yeux d'or dans les siens.

«Dis-moi, Abercius. Tu es bien fils de diplomate?» c'est ce qu'il lui avait dit lors de leur première rencontre. Elle se tourna vers lui et s'avança, droite et fière, on voyait bien qu'elle était contrariée «je ne vais pas passer par quatre chemins. La mission que je vais te confier est particulièrement dangereuse. Pas seulement sur le lieu où je t'envoie, là... tout dépendra de tes talents de négociateurs, mais surtout pour les conséquences. Je me suis fait un dangereux ennemi, et je crains que s'il a vent de cette mission, qu'il ne soit guère ravi de mon initiative.»

Elle avait descendu quelques marches avant de tendre la main vers lui.
«Il m'a posée cette question... « Toi qui veut l'équilibre parfait. Pense tu que tes Anges sont prêts à se battre ? A se battre à en mourir? »» elle laissa passer quelques secondes, fixant intensément Abercius qui était à ce jour son ange le plus fidèle* «Alors? Qu'aurais-je du lui répondre?» il fallait croire que l'heure était grave pour qu'elle en vienne presque à douter?

Lorsque la déesse Artémis lui adressa la parole, Abercius releva la tête. Ce regard... Majestueux et puissant à la fois, pas de doute, Artémis avait le total contrôle du corps d'Azura. En même temps, depuis leur rencontre, l'ange n'avait jamais décelé un tel regard de la part de la déesse. Il en déduisit que la situation était suffisamment grave.

La déesse s'était déplacée et se trouvait maintenant près d'une table sur laquelle était posée une carte qui semblait être magique. En effet, sur celle-ci, les éléments étaient en trois dimensions et par conséquent, elle offrait une précision et une vision optimale. Artémis prit alors la parole tout en s'avançant vers lui. Elle descendit les quelques marches qui les séparaient avant de tendre sa main dans sa direction quand elle fut à sa hauteur.

Son regard avait changé. Il paraissait moins sûr, plus hésitant. L'ange, héritier de Persée, voyait clairement qu'elle était contrariée. La voir ainsi, le désarçonnait quelque peu. Mais qui donc avait pu mettre sa déesse dans un tel état?

"Oui, je suis bien le fils d'un diplomate. En fait, je suis issu d'une longue lignée de personnes ayant exercé cette fonction. Je recevais moi-même cette formation avant de vous rejoindre. Depuis mon plus jeune âge j'ai vu mon père exercé son métier avec passion. Passion qu'il m'a d'ailleurs transmise."

Tout en discutant, Abercius essayait de demeurer avec un visage impassible mais il était intrigué par l'ennemi dont Artémis faisait référence. Qui était-il et que voulait-il?

"J'accepte votre mission avec honneur et plaisir. Peu m'importe les dangers et les difficultés, je les surmonterai. Rien n'y personne ne m'empêchera d'aller jusqu'au bout."

Il se redressa alors devant la main tendue par la divinité.

"Je ne sais pas qui a osé vous défier et contrarier mais il a fait une grave erreur. Qu'il se doute de quoi que ce soit ou non, il ne pourra faire échouer la mission qui me sera assignée. Je vous l'ai dit avec conviction depuis notre première rencontre et je le répète haut et fort, je me battrai de toutes mes forces pour cet idéal que nous partageons. S'il le faut, je mourrai les armes à la main! Vous pouvez vous reposer sur moi. Ayez confiance ô ma déesse."

Abercius fixait sa déesse avec respect et force. Son cosmos vibrait dans tout son être et il était impossible de ne pas lire en lui. Il exprimait un mélange de ferveur et de colère. Ferveur d'un côté dans sa volonté de bien faire et de se mettre au service d'Artémis. Colère d'un autre côté car un être vil avait osé provoquer sa divinité.

Comment ne pas être contrariée après avoir manqué de finir brûlée vive par son propre frère? C'était il y a quelques jours maintenant, mais Artémis n'en était pas restée affectée pour autant. Elle savait la cruauté d'Arès sans limite, et elle devait se montrer prudente à ne pas le provoquer ouvertement.

Abercius était le candidat idéal pour cette mission de Russie. La déesse de la lune avait lu dans les étoiles le déplacement d'un cosmos glacé vers le Nord, probablement le chevalier du Verseau qui avait été appelé là bas, mais elle ignorait encore s'il irait seul ou si un autre chevalier l'accompagnerait, mais elle comptait bien éjecter Arès du Sanctuaire, et cette mission allait les y aider.

«Je sais que je peux te faire confiance, Abercius. Viens.» elle l'invita à monter les marches pour rejoindre la table avec la carte en trois dimensions. Elle désigna l'aura noire qui se trouvait au Nord et qui semblait s'étendre comme une gangrène putride et funeste

«Voici l'ombre qui menace actuellement l'équilibre du monde. J'ignore ce qui en est la source, bien que je sais qu'une partie a vu le jour en Enfer.» lorsqu'elle suivait Athéna qui était en Elysion, elle avait senti l'émergence de ce cosmos néfaste, mais n'avait pu savoir en quoi il consistait «depuis, chaque jour, cela s'étend de plus en plus. Asgard a été pris d'assaut, le château d'Odin est sur le point de tomber... mais ces dieux sont mineurs et ne sont pas prêts à repousser de telles ténèbres...» elle tourna alors la main vers le Sanctuaire et son dôme rouge

«Celui qui est le plus à même de repousser cette menace, c'est Arès. Il a une armée colossale sous ses ordres, bien plus grande encore que la nôtre» elle ne parlait pas de ses Anges ici, mais des soldats qui protégeaient le Sanctuaire, des soldats regroupés au pied de la montagne et qui étaient un premier rempart pour protéger cet endroit sacré. L'on pourrait les appeler de la chair à canon tant leur puissance était dérisoire par rapport à celles des Anges ou des Ailes... «Mais cet idiot a choisi le mauvais ennemi. Il s'en est pris au Sanctuaire qui aurait été un allié de poids dans cette guerre. Les chevaliers d'or sont en train de revenir, regonflant les rangs d'Athéna chaque jour, mais se retrouvant démuni face à cette armée de monstres sans foi ni loi.»

Elle se raidit un peu, le souvenir du Sanctuaire et de son état était encore frais dans sa mémoire. Des viols à répétition, agressions, et la manière dont Arès traitait ses propres hommes ? Quelle tristesse
«Avant de pouvoir lutter contre cette ombre, il nous faut reforger des armées correctes. Le Sanctuaire doit être libéré de l'emprise d'Arès d'abord.» elle planta ses yeux d'or dans ceux d'Abercius, pour voir un peu ce qu'il pensait de tout ça.

Arès était donc celui qui avait mis sa déesse dans cet état. Abercius comprenait mieux car Arès n'était pas n'importe qui. Dieu de la guerre, il était extrêmement belliqueux et compliqué à gérer. Abercius le considérait aussi comme prévisible. Un bourrin en somme!

"Arès est bien moins qu'un animal!"

L'ange n'y allait pas par quatre chemins et prenait le risque de critiquer une divinité devant une autre.

"Pardon déesse Artémis mais ce que je veux dire, c'est que votre frère ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Il n'est pas comme nous et se laisse guider par ses émotions les plus bestiales. Il est complètement aveuglé par son désir de vengeance et de domination et rien d'autre ne compte. Il n'est pas comme nous et ne réfléchit pas sur le long terme."

Le jeune homme voulait ainsi démontrer la supériorité de sa divinité. Artémis et ses la plupart de ses anges avaient pour eux une certaine sagesse qui leur permettait de ne pas prendre de décision à la légère. Pourtant, l'ange pensait que ce trait de caractère prononcé pouvait leur permettre de garder une longueur d'avance.

"Je pense qu'il est nécessaire d'obliger Arès de partir du sanctuaire. Vous aiderez votre sœur mais surtout, les saints nous serons redevables. Pourtant, même si cela va être difficile, nous devons faire en sorte qu'Arès ne nous considère pas comme un ennemi. Il doit garder sa haine envers Athéna et nous considérer comme une force de réajustement. Lorsque les saints seront sur le point de reprendre leurs terres et seulement à ce moment, nous interviendrons afin de lui proposer une autre guerre à mener. Si nous lui laissons un apparent leadership, il ne pourra refuser."

A mesure qu'il développait ses idées, Abercius tournait autour de la table pour se placer face à Artémis. Le dernier rempart d'Artémis s'était autorisé à donner son avis mais il savait pertinemment que les décisions finales seraient prises par la déesse. Il essayait juste de faire en sorte que malgré son aversion pour Arès, elle n'allait pas l'écarter de l'équation.

Est-ce qu'il cherchait à la séduire ou à l'amadouer en parlant toujours dans son sens ou bien était-il sincère? Difficile à dire, mais une chose était sure, Abercius était très doué avec les mots. Il savait tourner les phrases de manière douce et claire, il saurait surement amadouer un ours affamé par son seul langage! Elle eut un sourire doux en le voyant parler d'Arès avec tant de conviction, il avait plutôt bien cerné l'animal...

«Notre rôle est difficile... malgré tout, il est indispensable. Il ne s'agit pas de choisir un camps, c'est tellement aisé de se cantonner à faire toujours la même chose, mais les hommes, tout comme les dieux, ne peuvent comprendre que le monde n'est pas tourné vers une seule voie...» la nature n'est pas que bonne, elle est aussi mauvaise. L'eau est source de vie, mais quand elle se déverse sur les terres, elle devient source de mort. Il en est ainsi pour l'équilibre, et Abercius semblait l'avoir bien compris. Il était probablement son ange le plus fidèle et le plus dévoué, c'est pourquoi elle souhaitait l'envoyer dans cette mission diplomatique.

Il comprenait l'intérêt de rendre le Sanctuaire à Athéna, elle lui sourit avant de lui désigner de nouveau la carte
«Ne nous occupons pas d'Arès pour le moment. Il y a plus urgent. Les Saints d'Athéna ont besoin d'aide, je ne peux me permettre d'envoyer mes anges affronter les berserkers, ce n'est pas notre rôle.» elle se tourna vers Persée et lui montra alors un point dénué d'ombre noire pour le moment, la Russie «il existe un homme, un ancien guerrier divin d'Asgard, qui vit désormais à Moscou. Hardin Koslov. Il a créé une armée de plusieurs milliers de soldats à qui il a enseigné les bases du cosmos sans même qu'ils ne le sachent. Ils sont mortels, mais plus forts que les autres malgré tout... c'est le genre d'armée idéale pour repousser les spartiates d'Arès.»

Elle agita la main et une image semblable à un hologramme apparut, représentant un homme portant une tenue militaire mais qui se battait aussi bien à mains nues qu'avec des armes de tout genre. Elle le fit pivoter sur lui-même puis se tourna vers Abercius
«Athéna va envoyer un ou plusieurs chevaliers négocier avec Koslov.. seulement, il ne porte pas le Sanctuaire dans son cœur. Il avait un disciple parmi les guerriers divins, il y a quelques années, et ce disciple a été tué par l'un des chevaliers d'Athéna. Et.. il y a autre chose...»

Elle montra le nuage pourpre qui avait totalement envahi les alentours du Palais de Polaris, le regard d'Artémis se fit plus dur, bien qu'elle laissait déjà Abercius digérer ces premières informations.

Artémis et Abercius étaient tous les deux sur la même longueur d'onde. Leur vision était convergente et la discussion efficace. Cela pouvait paraître normal concernant une discussion stratégique entre un dieu et son défenseur pourtant, l'histoire de la chevalerie possédait plusieurs cas démontrant le contraire.

La déesse de la lune et de la chasse lui montrait bien qu'elle n'occultait pas Arès cependant, elle n'envisageait pas de lui déclarer la guerre directement. Cette position convenait parfaitement au jeune grec. Bien entendu, l'ange n'éprouvait aucunement la peur mais il était bon de se montrer subtile. Pour Abercius, il était possible de garder l'équilibre des choses sans entrer en guerre ouverte avec quiconque.

Artémis avait entièrement raison. Ce positionnement même s'il offrait de nombreux avantages était difficile à tenir. Il y avait tellement de paramètres à prendre en compte. Mais la difficulté est source de motivation tant pour les hommes que pour les dieux.

Le porteur de la glory de Persée était maintenant tout ouïe. Celle qui avait investi le corps d'Azura avait fait apparaître un hologramme. Il le regardait attentivement afin de découvrir celui qui pourrait aider à faire pencher la balance en faveur du sanctuaire. Il avait ouvert bien grandes ses oreilles pour enregistrer les informations distillées par sa déesse.

L'homme, prénommé Hardin Koslov était un ancien guerrier divin. Il avait rassemblé une armée importante et bien plus que cela encore. Le désormais militaire avait ainsi enseigné des rudiments de manipulation du cosmos à ses hommes sans même que ces derniers en soient conscients. Astucieux mais en avait-il le droit? Son envie d'éclaircissement devra attendre car il représentait le seul espoir d'aider à la reprise du sanctuaire. Malheureusement, ce n'était pas tout. Koslov haïssait Athéna et ses saints. Abercius leva un sourcil. Challenge intéressant.

Persée se fit un bref résumé. Il fallait se rendre en Russie. Se faire accepter par les saints présents. Réussir à rencontrer un ex guerrier divin qui ne portait pas les chevaliers dans son cœur. Voilà donc ce qui allait rythmer son aventure loin de sa contrée. Mais Artémis n'avait pas encore tout dit.

La déesse continuait à le regarder. Sans doute attendait-elle qu'il examine la masse d'informations qu'elle venait de lui fournir. Il la regardait lui aussi et un bref instant, il se surprit à chercher Azura dans ce regard doré. Il n'y avait aucune chance que cette dernière intervienne dans un tel moment mais l'ange en mourrait d'envie. Il se ressaisit et et se reconcentra sur Artémis.

"Ô ma déesse dites-moi tout!"

Devant la gravité de la situation, il n'était pas toujours facile de savoir quoi dire ou non. Artémis ne jouait ce rôle que depuis peu, parce qu'Athéna avait eu l'intelligence de lui trouver cette fonction au sein du Panthéon, une fonction plus importante que toutes les autres finalement, au-delà de la simple ambition de dominer le monde ou de le détruire!

La carte devant elle était inquiétante. Cette ombre noire qui menaçait le monde la mettait mal à l'aise, pas seulement parce que ce mal se répandait comme une traînée de poudre, mais surtout.. parce qu'elle ignorait qui était cet ennemi. Persée voulait en savoir plus, mais elle-même ne connaissait pas tous les éléments qui se déroulaient devant elle.
«Vois cette ombre qui se concentre principalement en terres du Nord? Ici se trouve le Palais de Polaris... le gros de ces troupes de l'ombre a pris d'assaut ce palais et je crains qu'il ne soit tombé. Même moi, je ne peux m'approcher de là, et je refuse que tu essaies de t'y rendre pour le moment...»

Elle tourna les yeux d'un air inquiet, on sentait qu'Azura n'était pas loin. Dès qu'il s'agissait de protéger ses anges, cela lui tenait tellement à cœur qu'elle pouvait reprendre partiellement le contrôle, mais elle n'était pas de taille à lutter contre la divinité, ça n'avait été que l'espace d'un instant.
«Le cosmos d'Athéna a réapparu peu de temps après le début de cette invasion, les premiers espions que j'ai pu envoyer sur place... ont parlé d'une femme aux cheveux violets qui se tiendrait à la tête de l'armée. » pourtant, elle ne pouvait croire le fait que ce soit elle qui se tienne à la tête de cette armée mortelle, surtout quand on sait quelles méthodes ils emploient pour vaincre. Elle montra un autre hologramme, un homme couvert d'une tunique blanche et dorée, le teint pâle et des plaques violacées qui recouvraient son corps alors qu'il paraissait souffrir atrocement

«Deux de mes espions sont revenus dans cet état... un poison dont je ne connais pas l'existence, tous mes serviteurs qui les ont touchés pour essayer de les soigner en sont morts, recouverts par cette même malédiction. Même mon cosmos n'a rien pu faire...» la peine se lut l'espace d'un instant dans ses yeux. Même si elle n'avait pas le cœur aussi tendre qu'Azura, elle n'aimait pas voir souffrir les siens «j'ignore encore trop de choses de cette menace. Je crains de devoir m'absenter à nouveau bientôt... s'il y a un dieu qui peut m'aider à en savoir plus, c'est Hermès. Dieu des voleurs et des messagers... le meilleur espion du Panthéon.»

Normalement, l'entretien avec Hermès devait mieux se passer qu'avec Arès, celui-ci était tout de même plus ouvert et davantage tourné vers la neutralité comme elle. Prenant une légère inspiration, elle se tournait vers Persée, le regard grave
«Comprends-tu la difficulté de ta mission? Non seulement Koslov ne porte pas le Sanctuaire dans son cœur à cause des événements passés, mais si la rumeur comme quoi, Athéna a pris d'assaut Asgard se répand, il aura toutes les raisons du monde de refuser de les aider. J'ignore si le Sanctuaire est au courant de cette rumeur, mais tu devras également les aider à le convaincre qu'il ne s'agit pas de la vraie Athéna... qu'une usurpatrice aux méthodes cruelles et repoussantes est derrière tout ça.» il avait vraiment un grand rôle à jouer ici.

Qu'était-ce donc cette ombre? Qu'annonçait-elle? Il paraissait évident qu'elle traînait la mort là où elle s'étendait. Les jours prochains ne présageaient rien de bon d'autant plus que la déesse Artémis était incapable de lui donner la moindre explication.

Signe que l'équilibre du monde était plus qu'en danger, le royaume d'Asgard tombait en ce moment même. Si Abercius n'avait jamais eu l'occasion de croiser un guerrier divin, de par ses recherches sur les différents camps, il avait lu que les combattants d'Odin étaient hargneux et forts. Par conséquent, si de puissants guerriers se retrouvaient incapables de défendre leur propre terre alors leur ennemi devait être extrêmement féroce.

Le plus incroyable dans cette histoire, c'était les rapports effectués par leurs espions. Les malheureux avaient payé le prix fort en accomplissant leur mission. Ils mourraient touchés par un mal encore plus mystérieux que ce qui se passait à Asgard. Pire encore, tous ceux qui étaient entrés en contact avec ces hommes succombaient à leur tour. En écoutant les propos de sa déesse, l'ange baissait la tête. Il souffrait autant qu'Artémis. Il avait passé pas de temps à Éphèse et avait appris à connaître tout le monde. Chaque perte était un échec mais qu'aurait-il bien pu faire de plus qu'Artémis? Si la divinité se trouvait impuissante alors lui n'avait aucune chance de faire quoi que ce soit.

Selon les premières informations remontées du terrain, Athéna était celle qui menait cette armée de morts. Là encore, d'après les informations qu'il avait recueillies, la déesse Athéna était aux antipodes de cette image. Il était donc d'avis d'Artémis et pensait également qu'il ne pouvait s'agir là de la vraie Athéna. Qui avait donc usurpé son identité?

"Vous allez donc partir à la rencontre d'Hermès? J'aurai tant voulu vous accompagner mais je comprends l'importance de la mission que vous m'avez confiée.Je vais devoir jouer les équilibristes sans mauvais jeu de mots."

Conscient des enjeux, Abercius était tout de même un peu inquiet. Il n'allait pas pouvoir accompagner Artémis lors de son déplacement et même s'il s'agissait d'une déesse il aurait voulu être son garde du corps. Il dut se résoudre à obéir à ses ordres.

"Ne vous inquiétez pas! Je vous promets que nous aurons une armée capable de reprendre le sanctuaire."

La situation était... étrange. Artémis avait beau regarder cette carte, elle ne comprenait pas pourquoi Athéna paraissait responsable du carnage qui sévissait actuellement en Asgard. C'est pourquoi elle comptait aller à la rencontre d'Hermès, elle avait envoyé un messager, espérant qu'il accepterait de la recevoir. Ne va pas dans son domaine qui veut, et elle savait bien qu'elle n'était pas forcément considérée comme une déesse à part entière, bien qu'Hermès non plus finalement. Lui aussi appartenait davantage à la catégorie des demi-dieux qu'Arès ou Poséidon.

Elle soupira doucement et sourit à l'attention d'Abercius qui aurait souhaité l'accompagner
«Me rendre sur place accompagnée de l'un de mes anges aurait pu être pris comme de la crainte. Hermès est intelligent, s'il pense que je me méfie de lui, il ne me divulguera pas les informations que je souhaite. Il faut savoir parler avec lui à cœur ouvert et honnêteté si on espère qu'il fasse de même.» et encore, c'était pas dit que ça fonctionne. Au final, Hermès était de ceux qui ne dit que ce qu'il veut bien dire, et on ne peut pas lui arracher des renseignements qu'il ne veut pas donner.

Elle prit une nouvelle inspiration, son regard trahissait une certaine crainte à l'idée de ce qui allait se passer, mais Abercius paraissait confiant.
«Les chevaliers devront d'abord se rendre au Port de St Petersbourg. Avec le Sanctuaire pris d'assaut, ils ne pourront utiliser les moyens de transports traditionnels. Ensuite... soit ils se rendront à pied jusqu'à Moscou, soit par d'autres moyens. Ils se déplacent à la vitesse de la lumière, mais je sais que certains utilisent d'autres méthodes. Téléportation, traversée des dimensions, tout dépend des chevaliers qui seront présents.»

Elle passa son bras sur la zone de Moscou qui se mit à grossir pour montrer un meilleur aperçu de la ville en trois dimensions, elle désigna alors un large camps militaire à l'Est
«Voici le camps de Koslov. Tu as donc le choix de les attendre au port de St Petersbourg pour apprendre à les connaître sur le chemin, ou les attendre directement là. Normalement, tu ne devrais pas avoir trop à craindre de Koslov, il ne te verra pas comme une menace, je n'ai pas fait beaucoup parler de moi dans les précédentes guerres... le plus délicat sera vraiment de lui faire comprendre que le Sanctuaire n'est pas vraiment responsable des derniers événements à Asgard, que ce soit ceux d'il y a quatre ans, comme ceux de ces derniers jours. As-tu eu le temps de te renseigner sur ce qu'il s'est passé il y a quelques années?»

Elle tenait à s'assurer qu'il ait toutes les cartes en main avant de partir. Hors de question que la mission échoue juste parce qu'il ignorait un détail clé.

Après Arès, Artémis avait décidé de rencontrer un autre dieu Hermès. Si la rencontre avec le dieu de la guerre avait été plus que tendue contrariant grandement la déesse d'Abercius, celle qui se profilait avec le messager des dieux paraissait beaucoup plus simple.

Simple? Peut-être en apparence car rencontrer un dieu même pour une autre divinité pouvait être compliqué. En effet, chacun avait un caractère bien trempé et surtout, chacun avait des avis divergents. Tous faisaient partie d'une sorte de jeu d'échecs dans lequel ils avançaient leurs pions afin de prendre le roi de l'autre.

Peu importe les risques, Artémis était déterminée à le rencontrer. Ce qu'elle pourrait apprendre de sa bouche serait sans doute déterminant dans les futures prises de positions afin de maintenir l'équilibre des forces qui leur était si cher. Cette force de caractère fascinait Abercius et le motivait encore plus. Une nouvelle fois, il fut attentif aux précisions apportées par celle qui occupait le corps de la belle Azura.

"Saint-Pétersbourg? Je connais cette ville."

En tant que fils de diplomate, le garçon avait malgré son jeune âge pas mal bourlingué. Il n'avait pas vu tous les pays du monde mais connaissait les grandes nations. Il avait par le passé suivi son père en compagnie de sa mère là-bas lorsque ce dernier avait été convoqué à une réunion diplomatique.

"Je ne raterai pas les chevaliers d'Athéna. Je me positionnerai au port. Je pense que c'est le meilleur endroit pour établir un contact. La rencontre pourrait s'avérer un peu délicate car il me semble que les saints vous perçoivent comme une ancienne ennemie. Mais rassurez-vous, je les convaincrai de votre volonté à leur venir en aide."

Ange d'Artémis et dernier rempart de cette dernière, Abercius se devait de se tenir au courant des événements. Son réveil était récent mais ayant reçu une éducation élitiste, il n'avait eu aucun mal à se mettre au niveau. Ainsi, après ses entraînements quotidiens, il se rendait souvent dans la bibliothèque principale. Celle-ci contenait une salle d'archives où étaient consignées les archives ayant trait avec les différents sanctuaires et leur passé.

"Je sais qu'Athéna et cinq de ses saints se sont rendus à Asgard. A cette époque, Hilda de Polaris, la prêtresse d'Odin, avait été manipulée par Poséidon. Ce dernier avait réussi à faire en sorte qu'elle porte à un de ses doigts l'anneau des Nibelungen. Elle cessa alors ses prières et entreprit de conquérir le monde. Athéna face à la menace de la montée des eaux reprit le rôle d'Hilda tandis que ses chevaliers libéraient la prêtresse. Malheureusement, ils durent mener de violents combats et exterminèrent tous les guerriers divins éveillés de cette époque."

Le regard perdu sur cette carte qui avait sérieusement de quoi faire déprimer n'importe qui, Artémis écoutait d'une oreille distraite le plan d'Abercius. Au fond, il n'avait pas trop besoin de lui expliquer ce qu'il comptait faire, elle le suivrait de loin, elle gardait toujours un œil sur ses anges afin de s'assurer qu'ils s'en sortent. Perdre l'un d'entre eux lui serait insoutenable.

Elle posa les yeux sur lui alors qu'il se tenait persuadé de pouvoir convaincre les chevaliers de sa bonne foi.
«La seule chose dont je suis presque sure, c'est que Camus du Verseau sera présent dans cette quête. Son père est un ami de Koslov, et il a vécu pratiquement toute sa vie en Sibérie et en Russie. Il ne sera pas cohérent de la part du Sanctuaire de ne pas l'envoyer.» mais peu probable qu'ils l'envoient seuls cependant, et c'était ce point qu'elle ignorait «vu sa nature, tu n'auras probablement pas trop de mal à faire en sorte qu'il t'accorde le bénéfice du doute. Tout dépendra donc de ton aptitude à convaincre l'autre. Mais je te fais confiance, tu y parviendras.» mais effectivement, il fallait espérer à ce que ça tombe sur un chevalier qui ignorait qu'elle s'était emparée du Sanctuaire pendant un temps.

Elle posa de nouveau ses yeux sur la carte, en particulier sur le Palais de Polaris qui était pris d'assaut. Koslov allait avoir du mal à accorder sa confiance aux chevaliers, il fallait qu'Abercius sache pourquoi. Mais il avait bien appris ses leçons, elle sourit tendrement en se tournant vers lui.
«Je n'ai donc rien de plus à t'apprendre. Mis à part le fait que Koslov a entraîné pendant quelques années le jeune Bud d'Alcor, l'étoile double de Cid de Mizar. Il est donc probable qu'il porte rancune au Sanctuaire d'avoir tué son disciple. Vu que tu connais toute l'histoire, j'espère que tu pourras le convaincre qu'ils n'avaient pas le choix.»

Elle eut l'impression qu'ils avaient fait le tour de la question. Elle lui sourit et commença à se diriger vers son trône
«Va te préparer. Je te ferai parvenir tous les documents dont je dispose sur Koslov. Étudie bien ton dossier, je te tiens informé lorsque je saurai exactement quand les chevaliers seront envoyés en mission hors du Sanctuaire. Tiens toi prêt.» elle se tourna alors vers lui, laissant Azura lui dire tout de même au revoir. Son regard était doux et ému aussi

«Soit prudent...» puis elle détourna les yeux, laissant de nouveau Artémis qui devait se préparer pour aller à la rencontre d'Hermès.

Camus du Verseau. La seule évocation de ce nom, faisait surgir de nombreuses histoires dans la tête d'Abercius. Le français d'origine était en effet un des légendaires chevaliers d'or. La garde ultime de la déesse Athéna et le dernier rempart du sanctuaire grec. La réputation du saint d'or n'était plus à faire et l'ange se remémorait les récits qu'il avait lus à son sujet. La bataille contre les Titans de Cronos, la montée des douze maisons par les fameux saints de bronze, son apparente soumission à Hadès et sa renaissance en terres asgardiennes. Une vie faite de hauts faits, de courage, de sacrifices et de souffrances.

Lorsque Artémis fit référence à la nature de Camus, les différents qualificatifs le concernant lui revenaient aussi en tête. Maître de soi, froid, réfléchi, posé, érudit, le jeune pensa qu'il partageait sans doute de nombreux points communs avec le gardien de la onzième maison. Ce qui allait certainement être différents avec celui qui accompagnerait Camus. Peu importe, Persée était prêt à faire les efforts nécessaires pour réussir sa première mission au nom d'Artémis.

Bud d'Alcor, l'étoile double de Cid de Mizar. Voilà encore un nom qui évoqua des images au porteur de la glory sacrée de Persée. Il s'agissait là d'un homme dont les sentiments étaient refoulés, dévoré par la jalousie et ressentant une frustration. Il avait été obligé de vivre dans l'ombre de son frère et de lui servir de garde du corps. Ce qui était pour lui une basse besogne. Sa rencontre avec les saints d'Athéna et plus particulièrement avec Ikki du Phénix, lui permit de se libérer du poids qui l'accablait et il ouvrit les yeux sur ses vrais sentiments. Leur combat avait été intense et le guerrier divin en était ressorti avec une grave blessure. Cependant, le chevalier de bronze n'avait pas directement tué ou assassiné comme pourrait le penser Koslov. Selon les documents de la salle d'archives, Bud avait quitté les lieux du combat vivant. Peut-être était-ce là un point pouvant apaiser la colère de son ancien maître. L'ange se dit qu'il emmènerait ce rapport avec lui afin de le transmettre au général.

La conversation entre la déesse de la chasse et de la lune et l'ange touchait à sa fin. Il ne lui restait plus qu'à terminer les derniers préparatifs pour son voyage et il sera alors l'heure pour lui d'entrer en scène. Il tourna les talons pou prendre congé lorsqu'il entendit un ton de voix qui lui réchauffait le cœur. Il lui fit un large sourire puis retourna dans son temple.